Bag om Cléopâtre
La vérité de l'histoire est souvent dans le cri d'un poète. Les gros livres ont leur parti-pris, leurs systèmes; les mémoires mentent; l'inspiration, il la faut subir. Écrivant, nous sommes de sang-froid: celui qui chante ne se possède plus; on n'est un lyrique qu'à ce prix. Les vrais inspirés perdent terre, et presque toujours en disent plus qu'ils ne voudraient. Qui ne connaît, ne sait par coeur l'ode d'Horace: Nunc est bibendum, nunc pede libero ! .. Il y a plus que la joie de la victoire dans ces fameuses strophes, il y a le cri de libération; l'âme de tout un peuple y respire. Un immense danger a menacé Rome: ce danger, les dieux l'ont conjuré; enfin on va donc revivre. Lisons ces vers comme on les doit lire, en nous reportant au centre des événements: les triomphes inespérés provoquent seuls de tels élans, cette exaltation capiteuse ne saurait être que le contre-coup d'une grande épouvante; être furieux, c'est n'avoir plus peur à force d'avoir peur, et dans ces cas-là la colombe frapperait l'épervier du bec. Vous vous dites: Faut-il que ces Romains aient tremblé pour triompher si bruyamment ! et quelle ennemie était donc cette Cléopâtre dont la disparition les soulageait d'un poids si lourd ? L'ode d'Horace est un document que revendique l'histoire; la supériorité de Cléopâtre y éclate de partout. A travers les jubilations de cet hymne entonné à la gloire du vainqueur, vous surprenez chez le poète un mouvement de sympathie, d'admiration involontaires pour la grande Égyptienne...
Vis mere