Bag om De l'art du comédien
" Jamais le nombre de ceux qui se destinent à la scène n'a été aussi grand que de nos jours; jamais les doléances sur la rareté des bons acteurs n'ont été plus vives, plus générales, et j'ajoute à regret, mieux justifiées. Les auteurs excusent leur propre stérilité proclamant qu'ils manquent d'interprètes. Les directeurs voient depuis longtemps leurs cadres s'affaiblir, sans espoir de réparer leurs pertes. Les artistes, en très petit nombre, qui conservent le privilège d'attirer la foule, sentent si bien leur supériorité, qu'ils en abusent de toutes manières, et que leur acquisition devient parfois, pour les entreprises, une cause d'embarras, sinon de ruine. Dans le monde, vous entendrez souvent des comparaisons pleines d'amertume, entre la misère du présent et la fécondité du dernier siècle, où tant d'acteurs accomplis rivalisaient de talent et de zèle. Cette décadence du génie scénique ne serait-elle qu'un jeu de la fatalité, un mal sans remède ? Je ne suis pas de ceux qui nient la nécessité des vocations spéciales, et je sais tout ce qu'il y a de hasardeux, d'inexplicable dans l'apparition des pas des êtres supérieurs; mais je suis loin de croire que le nature, après s'être épuisée pour une génération, reste stérile pour l'âge suivant: et quand arrive, dans un art, une de ces époques maladives où chacun semble se laisser aller de l'impuissance au découragement, c'est, n'en doutons pas, que tous les efforts sont paralysés par un influence funeste qu'on doit s'efforcer de découvrir..."
Vis mere