Bag om De l'épopée chrétienne jusqu'à Klopstock
" Il n'y a pas dans l'histoire de plus curieuse rencontre que celle de la civilisation grecque et de la civilisation judaïque, toutes deux également intolérantes, l'une qui traite de barbares tous ceux qui ne la connaissent pas, l'autre qui traite d'infidèles tous ceux que son Dieu ne s'est pas choisis pour peuple et pour élus. La civilisation grecque est conquérante: elle s'approprie les traditions et les souvenirs des peuples étrangers; elle leur prend leurs dieux et leurs héros, et elle en fait des dieux et des héros de la Grèce; elle a l'art de se substituer partout aux civilisations qui l'ont précédée, et, grâce à cet esprit de conquête et d'usurpation, le monde entier peu à peu devient grec. La civilisation grecque avance ainsi, toujours triomphante, jusque dans un coin de la Syrie, où vivait une petite nation soumise, depuis sa captivité dans Babylone, à tous les maîtres de l'Asie. Arrivée là, la civilisation grecque s'y installe, comme elle a fait partout, sans prévoir d'obstacles. Elle consacre à Pan et aux nymphes l'antre d'où sort le Jourdain; elle construit un théâtre à Jérusalem, à Tibériade un palais orné de peintures qui, malgré la défense de la loi de Moïse, représentent des figures d'animaux; elle place à Joppé, au bord de la mer, la délivrance d'Andromède par Persée, un de ces héros d'Orient que la Grèce s'était appropriés; elle fonde des villes au sein de la Palestine, Scythopolis entre autres, qui ne manque pas de rapporter son origine à Bacchus; elle fait adopter sa langue par les Juifs: c'est en grec que les apôtres annoncent l'Évangile au monde; c'est en grec que Philon et Josèphe défendent la loi judaïque. La civilisation grecque semble avoir vaincu là comme ailleurs, et c'est là pourtant qu'elle vient échouer..."
Vis mere