Bag om Goethe et la Comtesse Stolberg
Il existait au XVIIIe siècle un sentiment que nous ne connaissons plus aujourd'hui: on avait alors avec une femme d'esprit une liaison tout intellectuelle, épistolaire, si je puis m'exprimer ainsi, et cela sans que personne songeât à le trouver mauvais, pas même le mari, qu'on admettait tout le premier dans les secrets de la correspondance. C'était un attachement qu'on ne définit guère, de l'amitié si l'on veut, mais plus tendre et plus chaleureuse, de l'amour qui prétendait n'être que de l'amitié, quelque chose enfin qui rappelait la chevalerie dans le monde de l'intelligence. On tenait journal l'un pour l'autre, on s'écrivait mille bagatelles qui nous font sourire aujourd'hui et qui charmaient. Du reste, tout cela n'empêchait pas d'aimer ailleurs; si la pensée était prise, le coeur ne l'était qu'à demi, et les sens restaient libres; et puis les vicissitudes de la passion formaient comme autant d'épisodes dont le roman s'embellissait. C'est à ce sentiment mixte, qui n'est après tout que le sentiment de Pétrarque pour Laure, dégagé du mysticisme du XVe siècle, que nous devons ces lettres de Goethe à la comtesse Auguste Stolberg, avec cette circonstance tout originale que Goethe et la comtesse Stolberg ne se connaissaient que par intermédiaires, et commencèrent, sans jamais s'être vus, une correspondance des plus intimes...
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