Bag om La crise de la conscience européenne
" Quel contraste ! quel brusque passage ! La hiérarchie, la dis¬cipline, l'ordre que l'autorité se charge d'assurer, les dogmes qui règlent fermement la vie: voilà ce qu'aimaient les hommes du dix-septième siècle. Les contraintes, l'autorité, les dogmes, voilà ce que détestent les hommes du dix-huitième siècle, leurs successeurs immédiats. Les premiers sont chrétiens, et les autres antichrétiens; les premiers croient au droit divin, et les autres au droit naturel; les premiers vivent à l'aise dans une société qui se divise en classes inégales, les seconds ne rêvent qu'éga-lité. Certes, les fils chicanent volontiers les pères, s'imaginant qu'ils vont refaire un monde qui n'attendait qu'eux pour devenir meilleur: mais les remous qui agitent les générations successi¬ves ne suffisent pas à expliquer un changement si rapide et si décisif. La majorité des Français pensait comme Bossuet; tout d'un coup, les Français pensent comme Voltaire: c'est une révolution. Pour savoir comment elle s'est opérée, nous nous sommes engagés dans des terres mal connues. On étudiait beaucoup le dix-septième siècle, autrefois; on étudie beaucoup le dix-¬huitième siècle, aujourd'hui. A leurs confins s'étend une zone incertaine, malaisée, où l'on peut espérer encore découvertes et aventures. Nous l'avons parcourue, choisissant pour la borner deux dates non rigoureuses: d'une part, les environs de 1680, et d'autre part, 1715..."
Vis mere