Bag om Le salon de 1853
... De tous les artistes placés depuis longtemps au premier rang, M. Delacroix est le seul qui ne dédaigne pas de mêler ses oeuvres aux essais de la jeune école, il y a lieu de le remercier de cette persévérance à accepter une publicité qui n'est plus nécessaire à sa réputation; mais les trois tableaux qu'il a exposés cette année peuvent-ils avoir cette autorité magistrale dont nous parlions tout à l'heure ? Serait-il juste, par exemple, de ne voir en M. Delacroix que le peintre des Pèlerins d'Emmaüs, et le tableau qu'il a intitulé ainsi n'accuse-t-il pas avant tout les imperfections de sa manière ? Sans doute, on aurait mauvaise grâce à exiger de M. Delacroix une transformation impossible: il aurait grand tort de ne plus mettre en oeuvre ses belles qualités de coloriste pour rechercher des qualités d'un autre ordre qui échapperaient probablement à sa poursuite; mais serait-ce se montrer trop exigeant que de lui demander mieux que ce qu'il nous donne ici ? Sont-ce des disciples pénétrés d'un respect religieux à la vue de leur maître, ou des convives en appétit, que ces deux hommes attablés, la serviette sur les genoux, le verre fort près de la main, comme ces joyeux compères que Jordaens aimait à peindre ? Cette figure aux traits et à l'attitude vulgaires peut-elle passer pour le Christ se révélant aux yeux de ses compagnons et trahissant tout à coup son essence divine ? Que dire enfin des accessoires de la scène, de l'ajustement et du costume moderne des personnages, de cet escalier à balustres de bois, comme on en voit dans les vieilles maisons des deux derniers siècles ? ...
Vis mere