Bag om Les femmes de la guerre de 1914
Je ne saurais séparer son image de celles qui affluent à mon souvenir et qui me représentent toutes ces pauvres mères, toutes ces pauvres femmes, dont nous avons conduit à cette plaine désolée les maris et les fils. Nous avons vu s'épuiser devant nous la coupe des larmes Nous avons assisté à toutes les formes que peut revêtir la douleur féminine. Nous avons vu, dans la conviction religieuse et dans la foi patriotique, des êtres se raidir et se crisper, demeurer presque sans larmes dans les attitudes désolées que savaient si bien rendre les vieux imagiers de notre France, ceux qui peuplaient la cathédrale de Reims d'un monde de statues, expression et reflet de notre nation. Nous avons vu de pauvres êtres fondus en une sorte d'écrasement bestial, poussant, durant les heures que dure ce sinistre voyage, des cris qui n'avaient plus rien d'humain. Ces cris, ils retentissent en nous, cris de Bretagne et d'Auvergne, cris de Touraine et d'Anjou, cris de Normandie et de Bourgogne, tous les cris des filles de France pleurant leurs hommes qui sont morts. Il n'y a point de paroles qui en puissent dire la tristesse; mais de ce choeur, qui s'élève ainsi dans une angoisse mortelle, de ce choeur d'étonnantes lamentations, je n'ai point distingué une parole de reproche, je n'ai point retenu une parole de haine. Leurs yeux, à la plupart de ces femmes, étaient secs; leurs mains étaient agitées d'un tremblement ininterrompu; les mêmes mots, plus ou moins pressés, plus ou moins rauques, s'échappaient sans fin de leur gorge serrée: ce n'étaient plus que des cris, montant et descendant dans une mélopée funèbre; mais elles ne maudissaient point; elles subissaient le sacrifice.
Vis mere