Bag om Les memoires du diables Tome II
EXTRAIT: À cette époque, de riches capitalistes cherchaient de tous côtés des ouvrières intelligentes pour importer en Angleterre les modes de la France, qui y étaient fort recherchées. Autant qu'ils le pouvaient, ils choisissaient des ouvrières jeunes et belles, pour qu'elles pussent faire valoir, par leur grâce personnelle, les nouvelles parures qu'on voulait faire adopter aux Anglaises. Il avait été souvent question chez madame Gilet des magnifiques avantages qu'on offrait aux jeunes filles qui consentiraient à s'expatrier. Mais un séjour en pays étranger épouvantait les familles parisiennes, pour qui un voyage en France était déjà une hardiesse extraordinaire, et les capitalistes trouvaient difficilement des personnes convenables à leur projet. Aussi, lorsque Eugénie se présenta, elle fut accueillie avec empressement. Elle était connue pour son habileté, et, si elle n'obtint pas des conditions très-supérieures à celles qu'on lui souscrivit, ce fut parce que, pour elle, il ne s'agissait pas d'un salaire plus ou moins élevé, mais de quitter la France sur-le-champ. Elle stipula que les appointements qui lui étaient alloués seraient payés entre les mains de sa mère; elle ne se réserva que les besoins de la vie et le droit de revenir en France si l'Angleterre lui déplaisait. La nature humaine n'a qu'un certain degré de force, et, avec quelque énergie qu'on l'emploie, elle se fatigue et s'abat. Toute autre qu'Eugénie eût pu user la sienne dans les cris, dans les larmes, dans le désespoir; elle la fit servir à l'accomplissement de cette brusque détermination. En rentrant chez elle, Eugénie tomba pour ainsi dire épuisée, et ce fut à cet épuisement qu'elle dut de laisser encore arriver jusqu'à elle les prières d'Arthur. Il lui avait écrit. Par une étrange coïncidence, sa lettre conseillait à Eugénie de faire précisément ce qu'elle avait fait.
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