Bag om Mme Swetchine
Si l'indifférence était la condition de l'impartialité, ou si l'impartialité complète était nécessaire pour donner au jugement quelque valeur, je ne devrais point prétendre à entretenir le public de Mme Swetchine. En parlant d'elle, je ne voudrais pas être indifférent; je ne suis nullement sûr de pouvoir être impartial. Il n'est pas donné à l'homme de faire deux parts de soi-même et de juger froidement ce qu'il a réellement aimé je ne sais même ce qu'on gagne à tenter en ce genre sur son coeur une violence inutile. Peu de personnes en ce monde ont le privilège d'inspirer des sentiments profonds. Quand on a rencontré quelque part, sur le chemin de la vie, un être doué d'un don si rare, la meilleure manière de le faire apprécier de ceux qui n'ont pu l'approcher, c'est encore de donner cours sans contrainte à sa propre admiration. Quelques-uns sans doute la trouveront aveugle; d'autres peut-être en ressentiront par communication la chaleur. D'ailleurs, quand il s'agit, non d'un auteur de profession ou d'un personnage public révélé tout entier dans ses actes ou dans ses écrits, mais d'une femme qui n'a brillé qu'à l'ombre, et dont la voix ne s'est pas étendue au-delà du cercle de l'amitié, il faut bien que le public se résigne, s'il veut s'en former quelque idée, à écouter des témoignages intéressés...
Vis mere