Bag om Pulsations
Perdre l'esprit, pour gagner le coeur... Il y a une vertu dans la déraison, une déraison qui ne signifie pas vraiment folie ou délire, mais plutôt perte de l'esprit trop rationnel, théorique et abstrait. Ce qui est alors gagné à travers cette déraison n'est pas pour autant une attitude extravagante, délirante, menant à du n'importe quoi. Il s'agit bien plus de comprendre ce que peut être une pensée affective, ou une sensibilité empreinte de mesure, capable de justesse et de précision. Un mode de compréhension qui part des sentiments et non des idées, dont l'origine n'est plus l'esprit mais le coeur. Seul un coeur intelligent peut nous rendre capable de vérité. Le philosophe finit idiot. Ce n'est que par le détour d'un véritable travail sur les sentiments que peut éclore une intelligence de la réalité, de la vie. L'intelligence seule est trop abstraite et ne mène à rien de pertinent. C'est qu'elle doit être stimulée par la sensibilité. Et l'on ne peut être intelligent que si l'on est d'abord sensible. On ne se met à réfléchir que si l'on y est forcé par des causes venant de la sensibilité. Comprendre ne signifie donc ni l'absolue rationalité qui refuse la sensibilité, ni non plus l'existence d'un coeur absolu expulsant tout esprit ou toute forme d'intellection. Comprendre suppose l'intelligence d'un coeur qui appréhende le monde au gré de ses battements, de ses pulsations. Un esprit trop sérieux, trop profond, ne pourra jamais parvenir à une véritable intelligence de la réalité, car il lui manquera toujours la distance que seul lui procure l'humour quand il lui fait comprendre qu'il doit avoir confiance en son frère ennemi, le coeur: comprendre, c'est alors avoir de l'esprit, mais cela suppose de passer par le coeur. Ruse de l'esprit, intelligence du coeur. Déraison apprivoisée. Olivier Abiteboul est professeur de philosophie à Nice, docteur en philosophie de l'Université de Provence (Aix-Marseille I), chercheur associé au Centre de recherches " Littérature et poétique comparées " de l'Université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense, membre du comité de rédaction de la revue Théâtres du Monde (PU d'Avignon). Il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages, dont Le paradoxe apprivoisé (Flammarion, 1998) et La rhétorique des philosophes (L'Harmattan, 2002).
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