Bag om Vai
Rien n'est interdit à l'écrivain, hormis d'avoir le coeur desséché, l'esprit commun, le ton compassé. Je ne sais pas encore si Rai Chaze est un écrivain, mais je sais qu'ici, dans son premier texte où elle nous livre Tahiti dans tous ses états, tel qu'elle l'a rêvé et vécu, tel qu'elle l'aime avec passion, il n'y a ni sécheresse ni convention. Il me semble que, d'instinct, Rai Chaze sait que l'on ne fait pas de bons livres avec de bons sentiments, que l'on doit écrire avec sa souffrance et ses blessures intimes. Ainsi, dans ce bref récit où elle se dévoile, elle apparaît écartelée entre les deux mondes auxquels elle appartient: d'un côté, un Tahiti légendaire dont elle rêve, tout de force et de pureté; de l'autre, un Occident qui a détruit tant de civilisations et qui, aujourd'hui, par sa technique formidable, rend les sociétés homogènes et sans saveur. Et c'est sans doute pourquoi Rai Chaze, refusant de se perdre en devenant étrangère à elle-même, à ce qu'elle croit porter en elle de plus authentique, a décidé d'écrire. Et elle écrit la fragilité du temps qui passe, elle écrit la tendresse et la pitié, la révolte et l'espoir, tout en se demandant comment survivre sans lieu mythique où la vie serait plus belle. Jean-Marie DALLET Tahiti 1990
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