Bag om Ma double vie
Un jour, on m'annonça Alexandre Dumas fils. Il venait me donner la bonne nouvelle qu'il avait terminé sa pièce pour la Comédie-Française, L'Étrangère, et que mon rôle, la duchesse de Septmonts, était très bien venu. Vous pouvez, me dit-il, vous tailler là un beau succès ! Je lui exprimai toute ma joie reconnaissante. Un mois après cette visite, nous fûmes convoqués à la Comédie pour la lecture de L'Étrangère. La pièce eut un grand succès de lecture, et moi j'étais ravie de mon rôle, Catherine de Septmonts. Je trouvais, du reste, très bien aussi le rôle de Croizette: Mistress Clarkson. Got nous remit à tous nos rôles copiés, et, pensant qu'il faisait erreur, je passai à Croizette le rôle de l'Étrangère qu'il venait de me remettre, lui disant: Tiens, Got se trompe, voilà ton rôle. Elle me répondit un peu sèchement: Mais non, il ne se trompe pas, c'est moi qui joue la duchesse de Septmonts. Je fus prise d'un fou rire inextinguible qui stupéfia tous les assistants. Et quand Perrin agacé me demanda pourquoi je riais ainsi, j'exclamai: C'est votre tête, celle de Dumas, de Got, de Croizette et de vous tous qui étiez dans le sournois complot et n'étiez pas sans crainte de l'issue de votre petite lâcheté. Eh bien, remettez-vous: j'étais ravie de jouer la duchesse de Septmonts, mais cela m'amuse dix fois plus de jouer l'Étrangère ! Et cette fois, ma petite Sophie, je te mettrai dans ma poche, et je n'y mettrai aucun ménagement, car tu viens de jouer une petite comédie indigne de notre amitié ! Les répétitions furent nerveuses de part et d'autre. Perrin, qui était un Croizettiste enragé, se lamentait sur le manque de souplesse du talent de Croizette, si bien qu'un jour, celle-ci, hors d'elle, lui décocha: Eh bien, Monsieur, il fallait laisser le rôle à Sarah, elle aurait eu la voix que vous désirez pour les scènes d'amour; moi, je ne peux pas faire mieux. On m'énerve trop, j'en ai assez ! Et elle s'enfuit en sanglotant dans le petit guignol, où elle eut une véritable crise de nerfs. Je la suivis et la consolai de mon mieux. Et, au milieu de ses larmes nerveuses elle murmurait en m'embrassant: C'est vrai... c'est eux qui m'ont poussée à te faire cette cochonnerie, et maintenant, ils m'embêtent... Croizette parlait gras, très gras... et parfois elle avait la plaisanterie gauloise. Ce jour-là, nous nous réconciliâmes tout à fait. Une semaine avant la première représentation, je reçus une lettre anonyme, me prévenant que Perrin mettait toute sa diplomatie en jeu auprès de Dumas, pour faire changer le titre de la pièce. Il désirait, cela va de soi, que la pièce eût pour titre: La Duchesse de Septmonts. Je bondis vers le théâtre pour trouver de suite Perrin. Je rencontrai à la porte Coquelin, qui jouait le duc de Septmonts, dans lequel il fut merveilleux. Je lui montrai la lettre. Il haussa les épaules: C'est une infamie ! Comment peux-tu croire une lettre anonyme ? C'est indigne de toi ! Nous causions en bas de l'escalier, quand l'administrateur arriva. Tiens, montre-lui ta lettre, à Perrin. Et il me la prit des mains pour la lui montrer. Ce dernier rougit légèrement: Je connais cette écriture, dit-il, c'est quelqu'un de la Maison qui a écrit cette lettre... Je la lui repris vivement, lui disant: Alors, c'est quelqu'un de renseigné, et ce qu'il écrit est peut-être vrai, dites-le-moi ? Je suis en droit de le savoir. - J'ai le mépris des lettres anonymes ! Et il monta sans plus répondre, après avoir légèrement salué. Ah ! si c'est vrai... s'écria Coquelin, elle est raide ! Veux-tu que j'aille chez Dumas, je le saurai tout de suite ? - Non, merci ! Mais tu me donnes une idée... J'y vais. Et, après lui avoir serré la main, je me fis conduire chez Dumas fils. Il allait sortir. Eh bien ?... Eh bien, qu'est-ce qu'il y a ? Vous avez des yeux de flammes ! Ma double vie, e
Vis mere