Bag om LOUIS BREUIL
Au moment où Louis Breuil mettait la main sur l¿anneau du
timbre, huit heures du soir sonnaient à l¿hôtel de ville de
Châteaudun. Le jeune homme retira ses doigts avec précipitation,
comme s¿il eût été enchanté de pouvoir se donner à lui-même un
prétexte pour retarder son entrée, et faisant quelques pas, il se
retourna vers la vallée du Loir, qui s¿étendait à ses pieds.
Le soleil sur son déclin l¿emplissait de sa splendeur ; ce doux
paysage fait pour reposer les yeux prenait à cette heure un charme
ému, intime et pénétrant, qui disposait l¿âme à cet ordre de pensées
mélancoliques, particulièrement chères aux esprits rêveurs. Louis
contempla la vallée pleine de feuillages, la rivière argentée qui
courait sinueuse entre deux rangées de saules étêtés. La silhouette
aux arêtes vives du château superbe qui semble construit d¿hier,
tellement il est immuable dans sa perfection, se dessinait et bornait
le regard à peu de distance devant lui. Cette vue lui arracha un
soupir. Breuil n¿aimait point les lignes arrêtées ni les bornes
précises ; ce qüil fallait à cette âme flottante, c¿était le flou des
horizons noyés dans la vapeur dorée du soir et l¿indécis des
brouillards du matin... Aussi bien était-ce cet amour du « mal
défini » qui lui avait fait quitter tout à l¿heure l¿anneau qüil tenait
entre les doigts.
Vis mere